A travers plusieurs articles il a été question de l’emploi de cannes et bâtons évidés pour y dissimuler des documents ou des pièces de monnaie (voir par exemple Un bâton porte-documents, par G. Aimard (1865) et Sancho Panza et la canne aux pièces d’or).
En voici un nouvel exemple, qui relève peut-être de la légende mais qui n’a rien d’invraisemblable lorsqu’il s’agissait d’enfermer un véritable trésor dans un objet ordinaire qui passait inaperçu.
Il s’agit des vers à soie, prélevés en Chine par des moines qui les apportèrent à l’empereur Justinien à Constantinople au Vie siècle après J.-C.
L’épisode est rapporté par Pierre NIBELLE dans un article intitulé « Les aventures d’un ver à soie ; monographie de la soie, de ses ouvriers et de ses produits », dans le numéro d’avril 1857 du magazine « Le Musée des familles ». La rédaction assure en note que sous une forme romanesque, tous les faits sont authentiques. Mais laissons le ver à soie lui-même – car c’est lui qui parle ! – nous conter l’épisode…
« Ce rêve de sagesse que je faisais sur la branche d’un mûrier, non loin de la frontière de l’Inde et de la Chine, fut interrompu par un incroyable réveil au fond d’une vaste poche où je trouvais une centaine de mes compagnons aussi stupéfaits que moi-même. Ils me dirent qu’une main de géant les avait surpris la veille au beau milieu de leur besogne, et les avait précipités sans autre cérémonie dans ce ténébreux abîme. Je ne saurais dire combien de temps nous y restâmes. Lorsqu’on nous permit de revoir le soleil, nous étions au bord d’un fleuve et en compagnie de deux hommes vêtus de longues robes, qui parlaient entre eux une langue que nous ne comprenions pas.
S’étant arrêtés vers le soir dans un lieu couvert de bambous, ils se mirent à couper deux tiges de ces arbustes remarquables entre toutes par leur grosseur et leur beauté, en creusèrent l’intérieur, le tapissèrent de feuilles de mûrier et nous glissèrent l’un après l’autre dans cette prison d’un nouveau genre ; après quoi ils reprirent leur marche, nous abandonnant à nos réflexions. Nous voyageâmes un temps infini de la sorte, nous reposant de temps à autre dans quelques couvents qui s’élevaient le long de la route et dont les habitudes me donnèrent à entendre que nos deux ravisseurs n’étaient autres que des moines. Au bout de deux ou trois mois environ, nous arrivions à Constantinople, en l’année 555, et le lendemain de notre arrivée on nous présentait à l’empereur Justinien.
L’empereur Justinien était occupé en ce moment à rédiger quelques textes de loi avec l’aide des plus célèbres jurisconsultes de l’empire, ce qui ne l’empêcha pas de nous faire immédiatement introduire, tant il était impatient de nous voir. Nous entrons ; il se lève et s’avance à notre rencontre (…)
Il nous fit prendre avec des précautions infinies et porter en cérémonie sur des branches de mûrier qui croissaient coquettement pour notre usage dans un coin des jardins du palais. »
Le ver à soie était désormais aux portes de l’Occident…
La gravure illustre la présentation des bambous creux, enfermant les précieux vers à soie, à l’empereur Justinien à Constantinople, en 555.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci