L’un de nos correspondants, M. Jean-Luc ERNST, de Belgique, interroge le CRCB à propos d’une petite fourche à deux dents, longue de 19 cm, munie d’un embout destiné à recevoir un manche, qu’un de ses amis possède. Il fait le rapprochement avec un timbre-poste de 3 francs émis en 1966 pour la Journée du timbre, où l’on voit un facteur porteur d’un bâton muni à une extrémité d’une fourche à deux dents, légèrement évasées. Voici ce que nous lui avons répondu, mais le débat reste ouvert et les contributions des internautes seront les bienvenues :
« Merci pour cette question, pour laquelle je n’ai pas de réponse certaine, et qui appelle une autre question : pourquoi le facteur représenté sur le timbre porte-t-il un bâton muni de cette « fourchette » à deux dents ? Peut-être pour repousser les chiens qui, comme chacun le sait, n’aiment guère les facteurs, de nos jours encore. L’évasement des branches permettrait de les repousser sans les blesser.
Ce type d’instrument rappelle aussi les rustiques baguettes terminées en V destinées à immobiliser les vipères, mais il est douteux qu’un facteur en ait eu une grande utilité.
Quant à savoir si l’objet que vous possédez est bien l’extrémité de ce bâton de facteur, il est difficile d’être affirmatif. En effet, ce type de petite fourche a été utilisé pour diverses activités. Ainsi, les tanneurs s’en servaient pour lever les baguettes de bois aux extrémités desquelles étaient accrochés les cuirs, ou en la passant directement dans une entaille ménagée sur des pièces de cuir plus étroites qu’une peau entière, et les placer sur des crochets fixés sur les solives de leurs ateliers. Cet outil s’appelait une fourchette ; il différait du vôtre car ses deux branches étaient plus écartées et moins longues, en demi-lune, et toujours en cuivre.
Il est possible que les ouvriers des teintureries se soient aussi servi de semblables outils pour suspendre des pièces de tissus et les faire sécher, comme les cuirs.
Enfin, on peut imaginer que cette petite fourche à deux dents a été employée pour guider les animaux en troupeau, mais il faudrait le confirmer. »
Nous en étions là quand une recherche complémentaire nous a conduit sur le site très documenté de Daniel Traube (cannes de collection), qui répond à nos interrogations. Il explique qu’en 1852 un arrêté du ministère des Travaux publics de Belgique a supprimé le port du sabre jusqu’alors porté par les facteurs pour le remplacer par une canne munie d’une fourche à deux dents, pour se défendre des chiens. C’est une particularité des facteurs belges, ceux des autres pays ne semblent pas avoir été possesseurs d’un semblable instrument. En revanche, des gardes-champêtres s’en sont fait confectionner aussi.
D. Traube indique qu’il existait un modèle réglementaire mais avec des variantes. Les deux dents sont droites, parallèles. Le bois du fût était parfois exotique, en jonc de Malacca, en acajou, en bois fruitiers. Les facteurs pouvaient aussi se faire confectionner une canne personnalisée à leurs frais ; parfois ils l’ornementaient de décors, d’inscriptions pyrogravées, y compris sur l’embout, incrusté de cuivre rouge.
En 1901, l’administration des Postes remplaça ces cannes fourchues par une robuste canne à poignée courbe, munie d’une pointe d’acier.
A noter pour finir que si l’embout à deux pointes correspond bien aux modèles présentés par D. Traube, le dessin du timbre nous montre une fourche à pointes qui vont en s’écartant, différente de ce qui semble avoir existé. Fantaisie ou mauvaise documentation du dessinateur ?
Un grand merci à Jean-Luc ERNST pour sa contribution au CRCB !
Article rédigé par Laurent Bastard, merci