En 1829 un nommé Adrien Joseph DUPEUTY (ou PEUTY) vivant à Paris, 16, rue d’Enghien, déposa un brevet d’invention pour un modèle de canne à système dite « baguenaudine », « pouvant servir d’éventail ou d’écran ». Le brevet fut déposé pour cinq ans le 27 avril 1829. Il tomba par déchéance dans le domaine public le 27 décembre 1833.
Le mot « baguenaudine » ne signifie pas qu’elle était faite en bois de baguenaudier, arbuste méditerranéen à fleurs jaunes, impropre à un article de qualité comme celui-ci, mais renvoie au verbe « baguenauder », qui signifie « passer son temps à des choses frivoles et sans importance » et « se promener sans but précis, flâner » (CNRTL).
Cette canne à éventail servait à ceux et celles qui flânaient et qui désiraient se ventiler le visage ou le dissimuler par l’éventail ou l’écran.
On ignore si l’invention de Dupeuty rencontra le succès. On peut même craindre le contraire à la lecture de ces lignes d’Arsène DARMESTETER, extraites de : « De la création actuelle des mots nouveaux dans la langue française » (1877), p. 147. L’auteur cite, parmi d’autres, la « canne-éventail-écran » dite baguenaudine, dans la partie concernant la « Composition par apposition » :
« De nos jours, elle a reçu une extension considérable par suite du puissant développement du commerce et de l’industrie. Elle a été utilisée pour dénommer ces innombrables inventions, fécondes ou stériles, éphémères ou durables, où se manifeste l’incessante activité de notre époque positive, et dont, pour la plupart, la « Description des brevets » (1829) nous offre le volumineux état civil.
Nous avons feuilleté cette collection afin d’y prendre sur le fait la création des mots nouveaux, avec la date précise de leur naissance ; afin d’y voir les ressources que les inventeurs trouvent dans le langage pour dénommer leurs inventions. Que les noms qu’ils ont trouvés soient en vie ou qu’ils aient succombé avec les inventions auxquelles ils étaient attachés, ils n’en témoignent pas moins de l’activité du langage ; les noms étaient viables : les inventions seules étaient mortes-nées, et celles-ci ont entraîné les autres dans l’oubli et le néant. »
Dupeuty ne semble pas avoir été un fabricant de cannes parisien car on ne rencontre pas son nom dans les différents annuaires et comptes rendus d’expositions industrielles de 1820 à 1855 signalés sur ce site.
La baguenaudine était composée de trois tubes coulissant (Dupeuty les appelle des « coulants ») l’un dans l’autre pour former une canne lorsqu’ils étaient étirés. Ramassés, le tube le plus gros servait de poignée à l’éventail qu’on faisait sortir du tube le plus petit. Il en existe un dessin précis produit à l’appui de la demande de brevet, et reproduit dans la « Description des machines et procédés consignés dans les brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation dont la durée est expirée, et dans ceux dont la déchéance a été prononcée, publiée par les Ordres de Monsieur le Ministre du Commerce », tome XXVII, Paris (1835) (en ligne via Google livres).
A défaut de la gravure numérisée accompagnant l’ouvrage en ligne, voici sa description :
« Cette canne est construite en matière vernie ; elle formée de trois bouts ou tirages ; les deux premiers bouts, formant coulants, sont en cartonnage ou en parchemin, ou en cuir, le troisième est en bois.
Les viroles sont en métal ; les éventails et écrans sont en tissus de soie ou autres étoffes, ou bien en papier.
Explication des figures.
A, pl. 32, Premier bout ou coulant.
B, Virole qui s’adapte au sommet du coulant A ; elle porte sur le côté un petit bouton qui sert d’arrêt.
C, Couvercle en cuivre qui recouvre la virole B, et qui se ferme à baïonnette. Les deux pièces B, C, réunies forment la pomme de la canne.
D, Virole avec un petit jonc ou arrêt ; elle entre, par le bas, dans le bout du coulant A. Les petites dents que l’on voit au bord supérieur de la virole D servent d’arrêt en rentrant dans d’autres dents pratiquées au bord inférieur d’une virole a, qui fait partie du deuxième bout ou coulant représenté par la lettre E ; le dernier coulant rentre dans celui A.
F, Virole avec un petit jonc ou arrêt ; elle entre dans l’extrémité inférieure du coulant E ; la virole a est fixée au tiers environ de ce coulant, où elle sert d’arrêt.
G, Pièce en forme de fourche et percée, qui se fixe au sommet du deuxième bout ou coulant E, et dans laquelle entre l’éventail ou l’écran.
b, c, Deux ornements faits sur le coulant E.
K, Troisième et dernier bout ou coulant, passant dans les deux premiers coulants A, E.
e, Petit ressort qui empêche le bout du coulant K de remonter quand la canne est entièrement tirée, comme le montre la fig. 1ère, dans laquelle on voit les trois coulants A, E, K développés.
f, Bout de canne.
Fig. 2e, Eventail-écran non développé.
g, Petite cheville en bois fixée à l’éventail-écran ; elle entre dans le trou de la pièce G. Cette cheville sert à coller l’éventail dans sa monture.
h, Rubans qui servent à fixer l’éventail-écran au sommet du premier coulant A ; ils sont recouverts par la virole B, ainsi que le montre la fig. 3e.
I, fig. 3e, Eventail-écran entièrement déployé, lorsque les deux derniers coulants E, K sont rentrés dans le premier A, qui sert de manche à l’éventail. »
Un collectionneur visiteur de ce site a-t-il déjà vu une canne de ce type (si tant est qu’elle ait été fabriquée en plusieurs exemplaires et commercialisée) ? Quelqu’un pourrait-il nous en communiquer un dessin ou une photo ?
Article rédigé par Laurent Bastard, merci