C’est en lisant un ouvrage de 1817 intitulé « Paris, Versailles et les provinces au dix-huitième siècle, anecdotes (…) par un ancien officier aux gardes-françaises » que nous avons découvert le récit d’un vol survenu à Paris à la fin du XVIIIe siècle. Une dame de province se trouvait au théâtre devant la Reine et crut que celle-ci remarquait ses superbes boucles d’oreilles en diamants. Peu après, un homme se présente dans sa loge et lui demande de lui prêter une des boucles pour la montrer à la reine. Bien entendu, il ne revient pas et la dame comprend qu’elle a été volée et va porter plainte à la police. La suite concerne le bâton : « Le lendemain matin, et de très bonne heure, un homme, se disant exempt de police, demande à lui parler, et lui montre le petit bâton noir à manche d’ivoire, marque distinctive de son état » et lui dit qu’on a retrouvé sa boucle d’oreille et que, pour vérifier si c’est bien la même, il faut qu’elle lui confie la seconde. Ce qu’elle fait mais « Le prétendu exempt de police n’était qu’un adroit fripon, associé du premier ; et la dame, trop crédule, perdit ses deux boucles d’oreilles par un double excès de confiance. »
Qu’était-ce qu’un « exempt de police » ? Il s’agissait d’un officier de police, appelé ainsi parce qu’il était exempté de la cavalerie. Le Dictionnaire de l’Académie mentionne le terme dans sa première édition (1694) en le définissant comme un « officier de certaine compagnie de gardes » et ajoute une phrase pour situer le mot dans un contexte : « On lui a donné un baston d’exempt ». Il faut attendre l’édition de 1832, la sixième, pour trouver cette précision : « Les exempts portaient un petit bâton de commandement ». Et l’on sait, par l’extrait ci-dessus, qu’il était, au XVIIIe siècle, « noir à manche d’ivoire ».
Mais c’est dans deux sites que figurent davantage d’informations, qui montrent l’évolution de ce bâton, insigne d’autorité à l’origine, arme ensuite et instrument de signal également.
Le site de la Société française d’histoire de la police (sfhp.fr) indique que « Les commissaires de police de la ville de Paris sont, précise la loi du 17 floréal an VIII (7 mai 1800) tenus de porter un uniforme » et « ils étaient porteurs dans leur fonction d’un petit bâton blanc sur lequel étaient gravés les mots « Force à la Loi » et dont la pomme s’ornait du dessin d’un œil ouvert, symbole de la vigilance. Les officiers de paix touchaient simplement de ce bâton ceux dont ils devaient s’emparer en prononçant la formule « Je vous ordonne, au nom de la loi, de me suivre devant le juge de paix ».
Quant aux sergents de ville, ils patrouillaient par trois, en uniforme, dans chaque arrondissement et portaient, eux, « une canne noire à pomme blanche aux armes de la ville » ainsi qu’un sabre pour les rondes de nuit.
(voir l’article sur les « Uniformes de police, du guet royal aux hirondelles ».
Une gravure de commissaire en uniforme, porteur de son bâton blanc, figure sur ce site et nous la présentons à notre tour.
On trouvera une recension complète des différents bâtons utilisés dans la police dans un autre article, intitulé « Histoire de bâton… Le bâton de police dans tous ses états », par Michel SALAGER, sur le site slhp-raa (de la Société lyonnaise d’histoire de la police). Cet auteur signale que le musée d’histoire de Lyon, ou musée Gadagne, renferme dans ses collections « un petit bâton noir à extrémité blanche, avec ruban tricolore, portant les inscriptions « police de Lyon » et « agent de police ». Une photo du dit bâton est présente dans cet article. L’auteur montre bien l’évolution du bâton qui passe au cours du XIXe siècle d’un bâton d’autorité à un bâton-arme offensive ou défensive, et, à partir de 1896, lorsqu’il est blanc, à un bâton-signal pour régler la circulation. Cet article, très documenté et illustré, renvoie à d’autres études sur ce sujet ou à propos des bâtons militaires.
Sur le CRCB on trouvera plusieurs autres articles sur ce sujet, dont Le bâton blanc des agents de la paix , « Drapeau vert et bâton blanc » par Paulus , Le bâton des « bobbies » vu par les Français au XIXe s et Les premières femmes policières reçoivent leur bâton.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci