« L’Etoile du sud » est un roman d’aventures dont le premier auteur était Paschal GROUSSET. Il avait écrit ce roman en 1880 puis l’avait vendu à l’éditeur Hetzel, qui l’avait à son tour confié à Jules VERNE pour qu’il soit remanié. Il paraîtra sous sa signature en 1884.
L’histoire se déroule en Afrique du Sud, dans un territoire où l’on recherche des diamants. Un ingénieur français parvient à en fabriquer un d’une grosseur extraordinaire et son amie, à qui il l’offre, le baptise « L’étoile du sud ». Mais il est volé durant un banquet. Qui est le coupable ?
La police se rend au camp des Cafres (indigènes) mais le voleur n’est pas identifié. On a alors recours à celui qui passe pour le sorcier.
On verra que le procédé mis en œuvre par ce dernier est exactement le même que celui qui aurait été utilisé par le chef de bande argentin Quiroga (voir l’article : Le bâton révélateur du gaucho Quiroga). Paschal Grousset ou Jules Verne se sont-ils inspirés de ce récit, sachant qu’il est antérieur puisque daté de 1869 ?
Laissons place au roman de Jules Verne :
« Il n’y a peut-être qu’un moyen de le faire se dénoncer, c’est de s’adresser à un devin de sa race. L’expédient réussit parfois…
- Si vous le permettez, dit Matakit, qui se trouvait encore avec ses compagnons, je puis tenter l’expérience ! ».
Cette offre fut aussitôt acceptée, et les convives se rangèrent autour des Cafres ; puis, Matakit, habitué à ce rôle de devin, se mit en mesure de commencer son enquête.
Tout d’abord, il commença par aspirer deux ou trois prises de tabac dans une tabatière de corne qui ne le quittait jamais.
« Je vais maintenant procéder à l’épreuve des baguettes ! » dit-il, après cette opération préliminaire.
Il alla chercher dans un buisson voisin une vingtaine de gaules, qu’il mesura très exactement et coupa de longueur égale, soit douze pouces anglais. Puis, il les distribua aux Cafres, rangés en ligne, après en avoir mis une de côté pour lui-même.
« Vous allez vous retirer où vous voudrez pendant un quart d’heure, dit-il d’un ton solennel à ses compagnons, et vous ne reviendrez que lorsque vous entendrez battre le tam-tam ! Si le voleur se trouve parmi vous, sa baguette se sera allongée de trois doigts ! »
Les Cafres se dispersèrent, très visiblement impressionnés par ce petit discours, sachant bien qu’avec les procédés sommaires de la justice du Griqualand, on était vite pris, et, sans avoir eu le temps de se défendre, encore plus vite pendu.
Quant aux convives, qui avaient suivi avec intérêt les détails de cette mise en scène, ils s’empressèrent naturellement de la commenter chacun en sens divers.
« Le voleur n’aura garde de revenir, s’il se trouve parmi ces hommes ! objectait l’un.
- Eh bien ! cela même le désignera ! répondit l’autre.
- Bah ! Il sera plus malin que Matakit et se contentera de couper trois doigts de sa baguette, afin de conjurer l’allongement qu’il redoute !
- C’est très probablement ce qu’espère le devin, et c’est ce raccourcissement maladroit qui suffira à dénoncer le coupable ! »
Cependant, les quinze minutes s’étaient écoulées, et Matakit, frappant brusquement sur le tam-tam, rappela ses justiciables.
Ils revinrent tous jusqu’au dernier, se rangèrent devant lui et rendirent leurs baguettes.
Matakit les prit, en forma faisceau et les trouva toutes parfaitement égales. Il allait donc les remettre de côté et déclarer l’épreuve concluante pour l’honneur de ses compatriotes, lorsqu’il se ravisa et mesura les baguettes qu’on venait de lui rendre en les comparant à celle qu’il avait gardée.
Toutes étaient plus courtes de trois doigts !
Les pauvres diables avaient jugé prudent de prendre cette précaution contre un allongement qui, dans leurs idées superstitieuses, pouvait fort bien se produire. Cela n’indiquait pas précisément chez eux une conscience parfaitement pure, et, sans doute, ils avaient tous volé quelque diamant dans la journée.
Un éclat de rire général accueillit la constatation de ce résultat inattendu. Matakit, baissant les yeux, paraissait on ne peu plus humilié qu’un moyen, dont l’efficacité lui avait souvent été démontrée dans son kraal, fût devenu aussi vain dans la vie civilisée. »
Article rédigé par Laurent Bastard, merci