Dans l’article La parabole des aveugles par Bruegel (1568) nous avons montré que le peintre avait illustré la parabole évangélique par une file d’aveugles tenant chacun l’extrémité d’un bâton. Cette façon de se déplacer permettait au groupe de rester uni, pour le meilleur et pour le pire.
Il semble qu’elle était encore pratiquée au milieu du XIXe siècle lorsque des aveugles musiciens étaient réunis et devaient se rendre ici ou là. C’est du moins ce qu’illustre la gravure de l’article « Concerts d’aveugles », par G. BAUDOUIN, publié dans le « Journal des voyages » du 3 mars 1907.
L’auteur rapporte que jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, des concerts exécutés par des aveugles qui ne connaissaient que les rudiments de la musique, étaient organisés pour amuser la foule.
Il fallut l’action généreuse de Valentin Haüy, lui-même musicien, pour enseigner la musique aux aveugles à partir des années 1780. Son initiative fut poursuivie. Mais les « amusements » d’autrefois perdurèrent jusqu’au milieu du XIXe siècle. L’auteur écrit en effet que : « Cependant les concerts d’aveugles, encore qu’ils fussent moins cruels et moins pitoyables que dans le temps, ont été longs à disparaître. Le plus célèbre de tous était le fameux « Café des Aveugles », qui existait encore dans les premières années du second Empire, et dans lequel une troupe d’infirmes faisait de la musique et jouait la comédie.
Cet établissement, installé dans un sous-sol au Palais-Royal, à l’entrée de la galerie de Valois, et qui passait, surtout en province, pour une des curiosités de Paris, recrutait ses artistes principalement parmi les pensionnaires des Quinze-Vingts. Ces pauvres gens furent, pendant de nombreuses années, conduits au Palais-Royal par une femme borgne qui, dit-on, les menait assez durement. C’était un spectacle pitoyable que ce défilé. »
C’est ce qu’illustre la gravure ici reproduite, où l’on voit les aveugles se tenant bras dessus, bras dessous et avançant en tenant le bout de la canne horizontale de celui qui le précède.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci