Les punitions à coups de cannes ou de bâtons étaient autrefois répandues dans le monde entier, et administrées par voie judiciaire, dans les écoles, comme châtiment privé ou simplement, comme on va le voir, pour sanctionner à Naples une petite faute à la va-vite… Le récit qui suit est de la plume de Louis SISMOND qui publia en 1828 son « Voyage en Italie et en Sicile », tome I.
Pages 100-101, à Naples : « Rouez de coups de canne un filou pris en flagrant déli, vous aurez pour vous tout le monde ; mais il n’en sera pas ainsi si vous le conduisez au corps de garde. Comme à la Chine, il est reçu que les supérieurs battent leurs inférieurs ; et cette coutume générale chez nos ancêtres, mais qui a été abandonnée à mesure que la civilisation avançait et que la dignité de l’homme était mieux comprise, prévaut encore ici.
Le jour après notre arrivée, comme je parcourais la ville en fiacre avec un Napolitain à qui j’étais recommandé, et qui s’est toujours montré de la plus grande obligeance à notre égard, un jeune homme du bas peuple, un lazzarone, qui, le nez en l’air et la bouche béante, avalait des macaroni au coin d’une rue, fut sur le point d’être renversé par notre équipage, et son danger nous fit tressaillir ; mais mon Napolitain, aussi ému que moi-même, ne s’en tint pas à l’émotion ; car, avançant soudain le bras par une impulsion toute sentimentale, il appliqua en passant un coup de canne sur la tête de l’étourdi, pour lui apprendre à être mieux sur ses gardes une autre fois ; ce procédé ne fut point pris en mauvaise part par le lazzarone ni par les passants, lesquels tout au contraire parurent fort approuver cette petite marque d’attention de notre part, et le sentiment d’humanité qui y avait donné lieu.
Un instant après, le cocher dépassant par mégarde la maison où nous devions nous arrêter, dans une rue trop étroite pour tourner, notre ami aussitôt de lui appliquer un coup de canne sur les épaules, comme s’il faisait la chose du monde la plus naturelle. Il n’y eut pas un murmure de la part du cocher, qui ne jeta pas même un regard sur celui qui le traitait ainsi. Beaucoup de gens, cependant, de la basse classe, portent un stylet habituellement, et on les voit souvent mettre la main sous le côté gauche de leur veste déguenillée, comme autrefois un gentilhomme sur la garde de son épée, pour témoigner qu’ils ressentent une injure. »
Louis SISMOND poursuit son voyage en Sicile et remarque que les comportements ne sont plus les mêmes. Le coup de canne ne serait pas de mise en cas de petite ou grave faute :
Pages 186-187 : « Quels que soient les vices du gouvernement et ceux du peuple sicilien, celui-ci montre un sentiment de dignité inconnu au bas peuple napolitain. Lorsque j’ai raconté ici ce que j’avais vu à Naples, des coups de canne distribués libéralement, on m’a assuré qu’en Sicile il en pourrait coûter la vie, et qu’un coup de canne vous vaudrait un coup de couteau. »
En Sicile, une atteinte à l’honneur se termine toujours mal, on le sait bien, aujourd’hui encore…
La gravure illustrant cet article n’est pas extraite du livre de Sismond mais du « Journal de la Semaine » du 20 mars 1864. Elle représente un homme avec une canne qui s’apprête à rosser un gamin impertinent.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci