Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
IMITATIONS ET FRAUDES SUR LES CANNES

Les plus belles cannes se fabriquaient en jonc exotique, mais le matériau avait un coût que le fabricant ne voulait pas toujours supporter. Il préférait vendre au prix du vrai jonc une canne faite d’un autre bois habilement maquillé.
Voici les procédés employés par ces fabricants peu scrupuleux, rapportés en 1839 dans le « Dictionnaire technologique ou nouveau dictionnaire universel des arts et métiers et de l’économie industrielle et commerciale », tome II, Bruxelles, p. 404-405.

« Les cannes dont on se sert pour s’appuyer en marchant sont ou naturelles, ou recouvertes de quelque enduit, ou imitées de la nature.
Les cannes naturelles les plus précieuses sont les joncs de l’Inde et les bambous. Ces sortes de cannes sont flexibles et ont beaucoup de ténacité. Les joncs les plus beaux sont d’un seul jet, d’une belle venue, avec une côte saillante dans toute leur longueur, qui va insensiblement en diminuant de diamètre.
Le bambou a beaucoup de noeuds d’un bout à l’autre, et doit être, comme le jonc, bien effilé.
Le jonc et le bambou sont couverts naturellement d’un beau vernis, qui n’a aucune odeur lorsqu’on le frotte vigoureusement.
Les cannes n’ont besoin, pour l’usage, que d’une pomme et d’un bout métallique, de même que toutes les cannes factices.
On fait des cannes naturelles avec l’épine, le houx, le cornouiller, etc. On choisit des jets bien droits, qui souvent présentent des noeuds ou accidents singuliers, et ce sont les cannes qui sont le plus à la mode. On les recouvre le plus souvent d’un vernis brillant, qu’on polit lorsqu’il est sec.

D’autres fois on cherche à imiter les bambous, les rotins, les joncs, les roseaux, les cannes à sucre, etc. C’est au tour, au rabot, au ciseau, à la râpe, que l’on prépare le bois : on le peint à l’huile, selon la couleur et la conformation naturelle des bâtons que l’on veut imiter ; et l’on recouvre ensuite le tout d’un vernis. On choisit ordinairement un bois élastique et pliant, tel que le frêne.

Les fabricants de cannes s’attachent surtout à imiter les beaux joncs de l’Inde, et voici comment ils procèdent : ils prennent des rotins, qui sont des joncs dont les noeuds sont très rapprochés, et par cette raison ont peu de valeur ; ils enlèvent les noeuds avec la râpe, et donnent au bâton une belle forme bien effilée, en lui conservant sa côte saillante dans toute sa longueur, comme au jonc naturel ; ensuite ils le couvrent d’un beau vernis de Martin bien élastique, auquel ils donnent la couleur du jonc. Ils passent plusieurs couches et laissent bien sécher. Lorsque le vernis est sec, ils le polissent et le livrent au commerce. Ils trompent ainsi l’acheteur ignorant, qui croit avoir un jonc naturel d’une belle venue.

D’autres font une friponnerie plus grande ; ils ajustent ensemble plusieurs petites badines de jonc, après les avoir préparées pour qu’elles se touchent bien par tous les points dans toute leur longueur ; ils les collent avec soin, et emploient pour cela de la meilleure colle forte, dans laquelle ils mêlent un quart de colle de poisson ; et lorsque le tout est bien sec, ils le travaillent à l’extérieur comme nous l’avons indiqué pour les rotins. On sent combien il est aisé de donner à ces cannes la plus belle forme.

Un moyen facile de reconnaître un jonc naturel d’un jonc artificiel ou verni, consiste à frotter fortement le jonc avec un morceau de drap dont on l’enveloppe, et que l’on serre avec la main ; la chaleur dégage l’odeur de la résine qui a servi à faire les vernis, et l’odorat la fait reconnaître. »

Article fort utile au collectionneur, rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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