Sous ce titre, Ernest-Théodore HAMY, conservateur du musée d’ethnographie du Trocadéro (1842-1908) publia un article dans « Le Magasin pittoresque » d’octobre 1883, p. 340-342, dont voici la teneur :
« Les insulaires de la Nouvelle-Calédonie n’auraient pas été, depuis Cook et Labillardière jusqu’à Deplanche, Patouillet ou Bourgarel, le sujet des descriptions détaillées qui leur ont été consacrées, et le dernier des sauvages aurait même aujourd’hui disparu, qu’il serait encore possible de reconstituer leur ethnographie presque entière à l’aide des bambous gravés qu’on a rapportés de leur île.
Ces bambous, dont nos Musées possèdent de nombreux spécimens, n’ont pas, en somme, chez les Néo-Calédoniens, de destination bien connue ; ce sont des objets de luxe, que leurs propriétaires promènent volontiers avec eux, comme nos élégants font parade de quelque canne en bois précieux ornée d’une pomme richement ciselée.
La surface en est couverte de gravures finement taillées, qui représentent le plus souvent la vie kanake dans tous ses détails.
Le bambou gravé du Musée du Trocadéro, dont les figures ci-jointes représentent l’ensemble et les principales scènes, est antérieur à l’occupation française. Il a été rapporté par l’un des officiers qui ont présidé à la fondation de Nouméa ; mais il est postérieur à la venue des missionnaires et à l’établissement de l’Anglais Paddon, un des premiers colons de l’archipel, car une troupe de Kanakes y est dessinée avec la hache de fer sur l’épaule.
On voit sur ce bâton, comme sur tous ses similaires, le village kanake, ses huttes de chefs en forme de ruche allongée, ses arbres fruitiers, ses volailles, etc. Les indigènes y apparaissent se livrant à toutes leurs occupations pacifiques ou guerrières, chassant à l’arc, brandissant la zagaie, etc. Ils ont parfois sur la tête le cylindre de paille représenté jadis par Cook et disparu presque complètement aujourd’hui, et portent la large ceinture caractéristique qu’ont décrite tous les voyageurs.
D’autres de ces bâtons (il en est un des plus curieux au Jardin des Plantes, rapporté par Rochas) nous font assister à l’arrivée des Français et à leur établissement, ou retracent les impressions que la vue des navires et des constructions des Européens a produites sur l’esprit de l’artiste indigène.
On rencontre de ces bambous gravés dans d’autres îles de la Papouasie, en Nouvelle-Guinée, par exemple ; mais les détails qu’on y voit sont beaucoup moins nombreux et généralement moins intéressants pour l’ethnographe et le naturaliste. »
On trouvera d’autres informations sur le lien http://www.nouvellecaledonietourisme-sud.com/fr/decouvrir-la-nouvelle-caledonie/zoom/736-bamboo-engraving
On y apprend que le bambou gravé se dit « kare e ka », qui signifie « matière que l’on a dessiné ». Ces objets, d’un diamètre de 3 à 6 cm, sont déjà connus au XVIIIe siècle mais c’est surtout avec la présence européenne qu’ils se développent, en racontant des scènes inspirées de celle-ci.
La gravure s’effectue très finement et habilement sur un matériau pourtant lisse et glissant avec un morceau de quartz ou l’extrémité d’une pince de crustacé. Ensuite, le bambou est enduit d’une graisse noire provenant de la carbonisation de la noix de bancoule. Ce bambou servait de bâton de voyage ; on y plaçait des herbes magiques à l’intérieur. C’était surtout un livre d’images pour un peuple sans écriture, qui racontait une histoire : celle d’une personne, d’une famille, d’un groupe, avec des épisodes divers. Il existe encore quelques graveurs sur bambou en Nouvelle-Calédonie.
Le site mentionne une bibliographie, dont nous extrayons ce titre : Roger BOULAY : Le bambou gravé kanak (Editions Parenthèses, 1993), que l’on peut consulter sur Google books. On y découvrira de belles reproductions en couleurs de ces bâtons à histoires.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci