Tous les écrivains, ethnologues avant la lettre, qui ont décrit la vie des Bretons au XIXe siècle, les ont présentés comme des habitants très différents des autres Français. Leurs coutumes, leur foi, leurs vêtements, leurs superstitions, leur langue, etc. les ont intrigués. C’est ainsi qu’en 1835 paraît la « Galerie bretonne ou vie des Bretons de l’Armorique par feu O. PERRIN DU FINISTERE, avec texte explicatif de Alexandre BOUET ». L’ouvrage sera réédité en 1844 sous le seul nom de Bouët et sous le titre « Breiz-izel ou vie des Bretons de l’Armorique ».
L’auteur y explique, à partir d’une anecdote, que les Bretons ne portaient pas le même type de bâton selon leur âge et leur activité. Voici le début du chapitre intitulé « Le petit garçon ivre ».
« Tout-à-coup il aperçoit au milieu d’un groupe de jeunes garçons jouant à la toupie, celui qui, le matin, l’a si impertinemment apostrophé en brandissant son « peunbaz ».
Excité par l’alcool, car il sort du cabaret, il veut se venger.
« Armé du long bâton de son grand-père, l’étourdi a couru, autant que possible, en droite ligne, vers le groupe où s’escrime le porteur du peunbaz, et l’apostrophant à son tour, a essayé de faire tournoyer au-dessus de sa tête, comme une menace et une injure, le bâton pacifique du « tad-koz ». Mais, ô disgrâce ! son corps déjà chancelant n’a pu supporter le poids nouveau qu’il ajoutait au bâton en lui faisant décrire un cercle dans l’air, et perdant le peu d’équilibre qui lui restait encore, le malheureux querelleur est tombé le nez au milieu des rires et des huées de la bande d’espiègles qu’il a déchaînés contre lui.
Ses parents ont vu de loin sa mésaventure, et sont accourus à son aide. Sa mère l’a relevé, et retient le petit forcené, dont la chute a encore augmenté l’irritation. La marraine essuie avec son tablier le bâton du tad-koz qui, d’une marche que les ans et le vin rendent mal assurée, arrive le dernier au lieu de la scène, en tendant les bras à son petit-fils (…) »
On a compris qu’il existe deux sortes de bâtons : le « peunbaz » des jeunes et le bâton du « tad-koz » ou grand-père. Quelle est leur différence ? L’auteur nous l’explique :
« Nous avons appelé pacifique le bâton du tad-koz dont s’était saisi Corentin ; ce n’est pas sans raison ; ce bâton est un appui, le signe de l’âge et de la faiblesse, tandis que le peunbaz ou bâton à gros bout, est une arme et le signe de la force et du courage. Un vieillard, armé du peunbaz, ferait rire à ses dépens. Un séxagénaire n’a plus le droit de porter cette égide de virilité ; son bouclier à lui, c’est le respect qu’il inspire. Mais autant un vieillard, armé du peunbaz, paraîtrait ridicule, autant et plus encore le serait un paysan qui l’abandonnerait avant d’avoir accompli son douzième lustre ; le bâton long et uni, entre les mains de celui qui n’aurait pas atteint cet âge, le ferait montrer au doigt.
L’usage en est exclusivement réservé aux vieillards, aux infirmes et aux tailleurs. Ces derniers, qui sont au ban de la société armoricaine, en ont prudemment garni l’extrémité d’une fourchette de fer, pour se défendre des chiens quand ils vont en journée ; car ils savent que les paysans ne se hâtent jamais de rappeler les gardiens alertes et menaçants qui font si bien sentinelle dans leurs fermes, lorsqu’il s’agit d’en préserver un tailleur, un huissier ou un gendarme. »
En résumé : le peunbaz est un bâton à gros bout réservé aux hommes avant soixante ans ; le bâton long et uni est réservé aux hommes âgés, aux infirmes et aux tailleurs.
Une chansonnette bretonne satirique, rapportée par Sébillot dans ses Légendes et curiosités des métiers, commence d’ailleurs par « Tailleurs, gars au bâton / Venez chez nous demain » et les invite ensuite à habiller les chiens et les chats de la maison…
Une dernière remarque : le peunbaz est décrit comme un bâton à gros bout. Il est représenté à la main des deux Bretons de l’illustration extraite du Musée des Familles d’août 1850, p. 325. Nous devons donc corriger ce que nous écrivions dans l’article Le bâton du fils prodigue par Jérôme Bosch (1502) : le personnage du tableau ne porte pas un bâton « inversé » et imaginaire ; il s’agissait bien d’une forme courante, qui assurait l’appui et la défense.
L’autre illustration, extraite du livre d’Alexandre Bouët, représente une leçon de catéchisme donnée par un tailleur breton. Il tient une longue baguette, qui semble plus un instrument de discipline que de marche
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
[...] Sur le pen-bas, voire aussi l’article du 16-4-2011 : « Le Peunbaz et le bâton du Tad-koz« . [...]
[...] Au XIXe siècle, certains auteurs étudiaient les coutumes de la Bretagne et estimaient que certaines d’entre elles remontaient à l’Antiquité sans discontinuer. Il en aurait été ainsi du bâton des Bretons, le fameux pen-bas, peun-baz ou pen-baz (voir l’article : Le peunbaz et le bâton du tad-koz). [...]
Voici des précisions sur le pen-baz ou bataras, issues de l’ « Histoire de la Petite-Bretagne, ou Bretagne-armorique » par M. MANET, tome II, St-Malo, 1834, p. 594-595, note 183 :
« JEU DU BATON. Dans cette sorte d’escrime, dont nous avons dit un mot en notre t. I, p. 177, le bâtonniste se rend surtout redoutable quand il lance à son ennemi, dans la poitrine ou le bas-ventre, quelques bourrades (ce qu’il appelle « des coups de bas »), ou quelque coup contondant sur la tête. La marotte ou masse qu’il y emploie, nommée par lui pen-baz ou bataras, et dans laquelle il introduit quelquefois du plomb pour s’en servir avec plus d’avantages, est d’une longueur fixée à la hauteur de son aisselle, parce qu’on a reconnu que c’est la mesure la plus propre pour l’usage de cette arme favorite. »
[...] le penn-baz, voir notamment les articles : Le Peunbaz et le bâton de Tad-koz et « Mon pen-bas », par Théodore Botrel. Sur le thème du bâton qui accuse l’auteur d’un [...]