Cet article proposé par Laurent Bastard, complète vraiment l’article sur le même sujet paru il y a quelques jours.
La canne-pochette était vraiment une canne extraordinaire, car elle renfermait un mini-violon ! Elle a fait l’objet d’un article dans le Magasin pittoresque de janvier 1876, p. 8.
« UNE CANNE-POCHETTE.
On ne sortait guère de chez soi, au dernier siècle, sans avoir une canne : c’est ce que nous montrent les tableaux et les estampes. Un maître de danse, trouvant incommode d’avoir à porter d’une main une canne, de l’autre un violon, imagina de mettre le violon dans la canne. On dut en rire ; ce n’était qu’une bizarrerie. Ce professeur de grâce et d’élégance n’avait inventé là rien de bien agréable aux yeux. Il n’eut sans doute point d’imitateurs : les maîtres de danse continuèrent à porter sous le bras ou dans leurs grandes poches leur petit violon, qu’on appelait communément « pochette ». La canne-pochette que nous reproduisons est une rareté. (…)
La canne du cabinet de M. A. Jubinal mérite qu’on étudie de près comment on a pu y loger la « pochette », et surtout le moyen de l’en faire sortir.Il faut d’abord enlever la partie supérieure de la canne, après avoir dévissé la poignée et retiré l’anneau de corne qui la maintenait. Quand l’instrument est ainsi mis à jour, on tire le chevalet caché à plat sous la touche ; on le place comme il convient à la hauteur de l’âme, et, après avoir retiré de l’intérieur même l’archet qui dort à côté de la sourdine, on visse la poignée de la canne pour l’appuyer contre l’épaule. On avait ainsi entre les mains une petite gigue fort suffisante pour accompagner les chassés-croisés ou les pas solennels du menuet. » (la gigue est un petit instrument à trois ou quatre cordes frottées, plutôt propre au Moyen Age.)
Qu’est devenu cette canne singulière ? La collection de son propriétaire, Achille Jubinal, médiéviste et député (1810-1875) s’est-elle transmise à ses descendants ?
Très rare, cette canne-pochette ne fut cependant pas unique car Albert JACQUOT en signale une autre en ces termes en 1886, dans son « Dictionnaire pratique et raisonné des instruments de musique anciens et modernes » : « CANNE-POCHETTE. Canne dont la pomme d’ivoire se dévissait et contenait dans sa partie supérieure, une pochette pour les maîtres de danse la deuxième partie de la canne renfermait l’archet. Une canne-pochette de ce genre est au Musée des Instruments de musique de Paris et provient de la collection Clapisson. »
Peut-on la voir aujourd’hui ? Oui ! C’est sans doute elle qui est conservée dans les collections du musée de la musique, à la Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès à Paris-XIXe. Elle est visible sur le site www.cite-musique.fr (ressources en ligne, photos d’instruments). Elle porte la cote E 980.2.567 et ressemble beaucoup à celle qui illustre l’article du Magasin pittoresque. La Cité de la musique en renferme même une autre, cotée E 156. Toutes deux sont datées du XIXe siècle.
Le Dictionnaire d’Albert Jacquot signale d’autres cannes renfermant ou servant d’instruments de musique, dont voici la liste, accessible grâce au site www.luthiers-mirecourt.com :
« CANNE-CLARINETTE. Instrument à cinq clefs. On en voit un spécimen au Musée des Instruments de musique du Conservatoire de Paris.
CANNE-COR D’HARMONIE. Cor d’harmonie ayant la forme d’une canne. Les tubes droits sont soudés les uns contre les autres ; à l’extrémité supérieure, s’adapte une embouchure et au bas se visse. à volonté, un pavillon. Cet instrument curieux est en mi majeur, et se voit au Musée du Conservatoire de musique de Paris.
CANNE-ÉTUI. Canne renfermant un archet. Cette fantaisie d’un amateur se voit au Musée du Conservatoire de musique de Paris et provient de la collection du docteur Fau.
CANNE-FLAGEOLET. Flageolet percé de six trous, dont quatre sur le devant et deux derrière. Cet instrument sert de canne, à volonté, et se voit au Musée du Conservatoire de musique de Paris.
CANNE-FLUTE. Ainsi que le nom l’indique, c’était un bâton creux percé de six trous, muni d’une clef, d’une ouverture pour l’embouchure et de deux viroles, qui se plaçaient à chaque extrémité du bâton pour en faire une canne.
CANNE-FLUTE A BEC. Au XVIIIe siècle, on fit des cannes de ce genre. Elles avaient sept trous ouverts et un bouché par une clef. Habituellement le manche de la canne était orné de sculptures.
CANNE-PUPITRE DE MUSIQUE. Cette canne – pupitre a été inventée par Boulanger, de Saint-Étienne, sous Louis XVI ; on peut la voir au Musée des Instruments du Conservatoire de musique de Paris. Le pupitre est en fer damasquiné d’or avec des ornements entremêlés de fleurs de lys.
CANNE-TROMPETTE. J.-B. Du Pont imagina de faire une canne – trompette vers le milieu du XIXe siècle, L’essai fut bientôt abandonné et cet instrument a pris place parmi les instruments curieux du Musée du Conservatoire de Paris. »