Voici une nouvelle photographie du rite compagnonnique de la voûte de cannes (nous l’avons déjà décrite à l’occasion d’un mariage de compagnon, de l’inauguration d’une exposition ou de l’anniversaire d’une association compagnonnique). Il s’agit ici de l’inauguration du Foyer des jeunes travailleurs d’Amboise (Indre-et-Loire), situé rue Malétrenne, le 22 octobre 1972. On y voit Michel Debré, ministre d’Etat et maire d’Amboise, en compagnie du président des compagnons charpentiers des Devoirs, du préfet en tenue, du « rouleur » des charpentiers, dont le chapeau haut-de-forme est orné d’une large « couleur » (ruban), sortant du foyer qui venait d’être construit et inauguré. Au premier plan, sur deux rangs face à face, les compagnons tiennent leur canne par la pomme et l’élèvent pour former une voûte symbolique et protectrice sous laquelle les autorités vont s’avancer.
Le foyer des jeunes travailleurs, qui leur permettait de bénéficier d’un logement à prix raisonnable, avait reçu le nom de Lucien Térion. Qui était-ce ? Lucien Térion était né le 12 juillet 1894 à Montrichard (Loir-et-Cher). Mobilisé à 20 ans, il revint vivant de la Grande Guerre. Il repris son métier de charpentier avec son frère, chez leur père, à Montrouge, avenue Verdier. Il suivit les cours de « trait » (dessin) de l’école des compagnons charpentiers du Devoir de Liberté de la rue Mabillon. Il fut reçu compagnon pour la Saint-Joseph, le 26 mars 1927, sous le nom de « Tourangeau l’Intrépide ». Il était alors gâcheur (contremaître) chez Paquignon à Vanves. Il réalisa un chef-d’oeuvre de charpente en 1927 qui lui valut le titre de Meilleur Ouvrier de France. En 1937, il était conducteur de travaux à l’entreprise Nord Travaux Publics.
Lucien Térion était une personnalité reconnue sur le plan professionnel. Lauréat de la Ligue d’enseignement et d’éducation sociale et de la Société des arts, sciences et lettres, il fut élu président des compagnons charpentiers de Paris jusqu’en 1942. Ses biographes parlent d’un « compagnon énergique, syndicaliste ardent et sincère », fondateur de la Coopérative ouvrière de production des charpentiers de l’Ile-de-France. Mais Lucien Térion était aussi un républicain hostile à l’envahisseur allemand. Il entra dans la Résistance comme membre du groupe Libération. Arrêté par la Gestapo à Bonneuil-sur-Marne en 1944, il fut déporté à Mathausen et assassiné le 3 mai 1945, à quelques jours de la fin de la guerre…
Une plaque à sa mémoire se trouve apposée à Paris, sur l’immeuble des charpentiers, 10 rue Mabillon (6e).
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci.
Donc, Lucien TERION était frère de réception avec Raoul VERGEZ et Edouard CHARLES. Un fameux trio d’Indiens !