L’honneur avait autrefois ses codes et les offenses à l’honneur leur punition particulière, où le bâton tient sa place. C’est ce qui ressort d’un ouvrage de 1759 intitulé « Traité des combats singuliers, dédié au Roi », par le Père GERDIL, barnabiste, précepteur de S.A.R. Monseigneur le Prince de Piémont (consulté via Google. Livres).
L’auteur dénonce l’absurdité des duels et écrit notamment, p. 164-166 :
« Des règlements arbitraires peuvent servir à former les articles d’un point d’honneur de préjugé ou de caprice, attaché à des formalités d’institution. Mais l’honneur qui accompagne la probité coule d’une autre source.
« Les gentilshommes se battaient entre eux à cheval et avec leurs armures, et les vilains se battaient à pied et avec leur bâton. De là il suivit que le bâton était l’instrument des outrages, parce qu’un homme qui en avait été battu, avait été traité comme un vilain.
Il n’y avait que les vilains qui combattissent à visage découvert ; ainsi il n’y avait qu’eux qui pussent recevoir des coups sur la face. Un soufflet devint une injure qui devait être lavée par le sang, parce qu’un homme qui l’avait reçu avait été traité comme un vilain. »
Ainsi l’auteur est heureusement remonté à la source du préjugé commun, qui établit encore aujourd’hui une sorte de déshonneur à recevoir un démenti, un soufflet, un coup de bâton.
Les Docteurs duellistes avaient érigé ce préjugé en maxime, ou pour mieux dire en système ; ils avaient imaginé une gradation entre les injures, et décidé qu’en rendant une injure d’un ordre supérieur pour une moindre injure, on effaçait la honte ou la tache dont on avait flétri en la recevant.
Ainsi un discours outrageant devait être repoussé par le démenti, le démenti par un soufflet, le soufflet par un coup de canne, le coup de canne par une blessure, la blessure par le meurtre.
Ils disaient aussi qu’un coup de baguette lavait la tache d’un coup de bâton, et qu’un coup de canne effaçait celle de la baguette.
Ce déshonneur imaginaire était un spectre si effrayant aux yeux des Docteurs duellistes, et ils en avaient le cerveau troublé à un point qu’ils ne doutaient pas qu’un chevalier ne dût, au mépris de toutes les lois divines et humaines, laver sous peine d’infamie une injure dans le sang de celui dont il l’avait reçue. (…) C’est de l’absurde ramas de ces romanesques décisions que s’est formé un art bizarre, longtemps connu et célébré sous le nom de science de la Chevalerie, dont l’illustre Marquis Massei a si bien dévoilé la ridicule extravagance. »
L’illustration de cet article est une gravure représentant un duel à l’épée, extraite du « Journal de la semaine » du 9 juin 1864.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci