Comme une suite de l’article sur les Bâtons de manifestants boulangistes (1887), et d’ailleurs à peu près de la même époque, voici un extrait et son illustration de l’hebdomadaire « L’Ouvrier » daté du 16 mars 1893. Ce journal publia à partir du 28 janvier, sur plusieurs numéros, un récit humoristique intitulé « La pédale humanitaire. Scènes de la vie vélocipédique », signé Jean DRAULT.
Ce journaliste et romancier, de son vrai nom Alfred GENDROT (1866-1951), est connu pour ses opinions antisémites, antimaçonniques et antirépublicaines, qui transparaissent dans la plupart de ses écrits. Sous l’Occupation, il mit sa plume au service des nazis en collaborant au magazine « Au Pilori » et fut condamné à la libération.
Dans « La Pédale humanitaire », il conte les exploits de Ripaton en pleine compétition sur un vélodrome avec un Anglais nommé Scarapatt.
A un moment, un spectateur s’écrie : « Personne pour donner à manger à ces malheureux ?… Mais si leur estomac ne se sustente pas, jamais ils ne tiendront. On ne pédale pas avec enthousiasme quand on n’a rien dans le coco depuis la veille au soir !…
(…) A neuf heures, miss Pédalett, voyant la face pâle des deux matcheurs, n’écouta que son cœur et alla acheter une douzaine de brioches chaudes chez un pâtissier voisin.
Elle revint rapidement au remisage, délia son parapluie qui avait été attaché la veille au guidon de sa bicyclette, et s’approcha de la piste.
Elle piqua l’une des brioches au bout de son petit riflard et la tendit par-dessus la balustrade, de la façon gracieuse dont on offre un petit pain à l’éléphant ou à la girafe du Jardin des plantes.
Ripaton grimpa la pente de la piste, fondit sur le comestible et l’engloutit sans le mâcher.
Miss Pédalett remit une seconde brioche au bout de son parapluie, et attendit.
Scarapatt, à son tour, accourut, se précipita, l’œil brillant, et dans sa joie, faillit engloutir le parapluie avec l’aliment.
Miss Pédalett se retira effrayée, mais son exemple avait été suivi.
Son père, sa mère, ses frères et sœurs, y compris la petite Maud, tendirent aux malheureux coureurs des petits pains et des brioches.
Master Pédalett avait attaché au bout de sa canne une longue ficelle. A cette ficelle pendait un croissant, et du haut de la tribune, il semblait pêcher à la ligne, laissant échapper un « aoh ! » de satisfaction ou de désespoir, on n’a jamais su, lorsqu’un des deux coureurs manquait le croustillant morceau de pâte. »
Article rédigé par Laurent Bastard, merci