Dans « La Semaine des enfants » du 17 février 1869 se trouve un article intitulé « Clameur de Haro ». L’auteur signale qu’en Normandie, jadis (mais encore à l’époque à Jersey et Guernesey), la clameur de Haro était une façon particulière d’invoquer son droit : « Quand un homme, en ce pays, pousse la clameur de Haro, toute action ou poursuite judiciaire, comme toute agression personnelle, cesse immédiatement à son égard, et les témoins qu’il a pris pour l’entendre en son recours suprême doivent l’écouter à genoux. »
L’auteur de l’article rapporte que cet usage fut renouvelé lors des obsèques de Guillaume le Conquérant, mort à Rouen en 1087 et dont le corps fut transporté à Caen pour être inhumé dans l’abbaye aux Hommes (église Saint-Etienne).
L’évêque d’Evreux venait d’achever l’éloge funêbre de Guillaume lorsque « Asselin, fils d’un maréchal-ferrant, rompit cette silencieuse adhésion à l’éloge des vertus du mort » en affirmant que l’emplacement de l’abbaye était une terre que Guillaume avait spolié à son père. Il en réclama le paiement, poussant la « clameur de Haro » qui consistait à dire : « J’en appelle à Rollon, mon prince et le vôtre ! », tandis que ses témoins s’agenouillaient.
« Tous les assistants frémirent, et quelques hautes voix s’élevèrent indignées ; mais le fils du ferreur de chevaux jeta fièrement son bâton à ses pieds, comme un chevalier son gantelet, en signe de défi. »
Une enquête rapide confirma ses dires et, en passant devant le catafalque, il étendit la main et dit : « Duc et roi Guillaume, je te fais quitte. »
Le jet du bâton, objet personnel d’un homme de condition inférieure, rappelle en effet le rite du jet d’un gantelet en signe de défi ; « relever le gant » signifiant accepter le défi.
Le site www.Historia.fr, dans un article du 21 octobre 2010, résume la coutume en ces termes (et l’on notera l’emploi du bâton associé à un messager, que nous avons déjà rencontré dans la rubrique « bâton comme outil ») : « Parfois, le seigneur qui chargeait un messager d’une mission lui remettait en dépôt un bâton et un gant, signes d’une délégation des pouvoirs. Surtout, la coutume consistait pour les chevaliers à jeter leur gantelet à terre lorsqu’ils voulaient défier quelqu’un au combat. Et celui qui se manifestait pour combattre contre lui « relevait le gant », autre définition. »
L’illustration de cet article est un détail de la tapisserie (en fait, broderie) de Bayeux représant Guillaume.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Il existe une querelle de spécialistes de la Tapisserie de Bayeux autour du baton de combat brandi par l’évêque durant la bataille. Le texte latin dit : « baculum tenens » : pourquoi ? Pour les uns c’est un signe d’hypocrisie, les prélats n’avaient pas le droit de faire couler le sang… mais ils auraient pu assommer. Effectivement le baculum ressemble à une massue. Mais selon moi, il s’agit d’un baton symbolique, à caractère religieux.Cela se discute…