Dans un précédent article (Sarbacane canne), Frédéric Morin a cité Auguste Demmin et son « Guide de l’amateur d’armes et armures anciennes » (1869). Cet auteur donne une étymologie au mot sarbacane qui n’est pas celle communément admise.
Il y est écrit que ce mot viendrait de l’italien « cerbotana, mot fait de Carpi, lieu où l’instrument était fabriqué, du latin canna, roseau ». Or, tous les dictionnaires, dont le Littré, s’accordent sur l’origine espagnole (cerbatana) et arabe (zarbatana) du mot. Au XVIe siècle, Montaigne l’emploie encore sous la forme « sarbatane », qui disparaît au siècle suivant pour devenir « sarbacane ». Littré note que ce changement est dû sans doute à l’influence de « canne », qu’on croyait y retrouver. Il est vrai que la forme de l’objet et sa matière laissent penser qu’il s’agit d’une sorte de canne.
Quoi qu’il en soit, voici un texte extrait de « Les Peuples étranges » (Hachette, 1863, p. 48-50), dû à la plume du capitaine MAYNE-REID (1818-1883), célèbre aventurier et explorateur irlandais, auteur de nombreux livres sur les Indiens, les peuples, la chasse, etc. Il y explique comment les Indiens d’Amazonie fabriquent leur sarbacane et chassent à l’aide de fléchettes empoisonnées.
« La plupart d’entre eux ont pour la chasse une arme de prédilection qui leur est particulière. Ils la nomme « poucouna », les Espagnols « gravitana », et c’est une sarbacane. Formé d’une jeune tige de pashiouba miri (palmier connu sous le nom d’iriartea setigera), creusée en y introduisant une baguette, cet engin a près de trois mètres de longueur, sur dix à douze centimètres de circonférence dans sa partie la plus grosse, car le pashiuba, dont il est composé, est plus mince vers le haut qu’à sa base.
Après en avoir nettoyé l’intérieur au moyen de la baguette qui l’a forée, l’Indien pourvoit sa bacouna d’une embouchure composée de deux défenses de pécari. Il y place, vers l’extrémité la plus large, un point de mire formé d’une dent de paca, ou d’un autre rongeur, et le fixe avec un peu de gomme. Enfin, s’il veut avoir une arme de luxe, il en décore l’extérieur en y enroulant avec soin la tige d’une liane brillante. »
L’Indien introduit ensuite une fléchette d’une cinquantaine de centimètres dont la pointe est trempée dans le curare, poison paralysant. Il ne reste plus qu’à viser et à souffler…
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci