Voici un bien intéressant diplôme de maître de bâton, que l’un de nos correspondants a eu la gentillesse de nous faire connaître en le photographiant au sein de sa collection.
Il est analogue à celui qui avait été présenté sur ce site en 2010 sous le titre Les grades des compagnons bastonneurs. Son auteur était certainement le même peintre nommé Leclair, piqueur (employé des ponts et chaussées) connu à Bordeaux sous la Restauration, et sur lequel on ne sait rien d’autre malgré une production importante de beaux tableaux aquarellés destinés aux compagnons du Devoir de passage dans cette ville.
Celui-ci est date et localisé : « Délivré en notre salle de Brest le 17 décembre 1825 ». C’est donc dans le port de guerre de Brest que se déroulaient des compétitions de bâton entre marins de la Royale.
Le dessin se présente comme un portique de temple à deux colonnes torses à gauche, et deux à droite, dont le piédestal est orné d’une tête de lion tirant naïvement une langue rouge. Le lion est un emblème du courage et de la force (d’où les expressions « avoir un cœur de lion », « fort comme un lion » , « se battre comme un lion »).
Dans la partie supérieure sont énoncées les valeurs du jeu de bâton : Force, Adresse, Talent, Prudence. Le centre est occupé par un trophée composé de drapeaux tricolores français autour d’un blason enfermant une ancre de marine et deux canons en sautoir, cachant à demi une rame et un crochet d’abordage. A gauche et à droite figurent deux représentations de la Force en la personne d’Hercule abattant l’hydre de Lerne à coups de massue et terrassant à mains nues le lion de Némée.
En-dessous, la frise comporte une devise : Gloire à Dieu – Honneur aux arts.
Puis, dans une tribune, huit personnages sont dessinés. Ce sont les spectateurs de marque du jeu de bâton, certains sont des marins.
Sur la balustrade de la tribune, un nouvel écu renferme deux ancres croisées. La tribune est supportée par deux cariatides en forme de sirènes.
Derrière les colonnes ont été accrochées trois bâtons à droite et trois à gauche, dont on ne voit que les extrémités ; ils ne sont entièrement vus que par les spectateurs de la tribune.
Sous la tribune, au centre, on voit une statue équestre de Napoléon Ier, aisément reconnaissable à son bicorne et à sa croix de la Légion d’Honneur, décoration dont il fut le créateur en 1802. Il n’y a pas d’ambiguïté, c’est bien de Napoléon dont il s’agit, car la lettre N est reproduite deux fois : sur le caparaçon du cheval et sur le piédestal de la statue. Cette représentant est surprenante car en 1825, ce n’est plus Napoléon qui est au pouvoir mais le roi Charles X, sur le trône depuis huit mois, ayant succédé à son frère Louis XVIII. Il y a dix ans que l’Empire a disparu.
Cette représentation de Napoléon Ier sur un brevet de bâtonniste atteste que l’Empereur avait conservé ses nostalgiques au sein de la marine, et ils étaient assez nombreux puisque le document est signé de douze maîtres, sans compter le nom de l’élève et de son professeur. Un tel document ne pouvait donc revêtir qu’un caractère strictement privé.
Au pied de la statue, sur le pavé de la salle d’armes, sont posés en sautoir deux bâtons ; un gant est placé à leur intersection.
En-dessous se tiennent deux bâtonnistes au visage orné de favoris, selon la mode du temps, bras de chemises relevés. Seule leur main droite est protégée d’un gant. Ils tiennent leur bâton à deux mains et le tiennent croisés l’un sur l’autre.
De part et d’autre se tiennent les spectateurs : à gauche un marin et peut-être deux officiers, dont l’un a la main appuyée sur un bâton ; à droite il s’agit de trois civils.
L’espace en-dessous est encadré de deux nouvelles vertus : Loyauté / Franchise, placées au-dessus de vignettes enfermant des représentations d’amazones ou de femmes sauvages, telles que les marins habitués à accoster au Brésil ou en d’autres pays exotiques pouvaient les imaginer, c’est-à-dire de robuste corpulence, appuyées sur un tronc d’arbre à l’ombre d’un palmier, une main posée sur une massue, couverte d’un pagne de palmes et la tête coiffée d’un chapeau de plumes.
Enfin le texte du brevet est le suivant :
« BREVET DE MAITRE
Nous Maîtres de bâton soussignés certifions et attestons qu’après avoir convoqué un assaut général, pour reconnaître les principes du nommé Jacques Buros, élève du sieur Jn Gardelle, Maître au dit art, nous étant assuré de ses talents et connaissances, nous l’avons jugé capable d’être reçu maître et donner leçon où bon lui semblera, d’après la conduite régulière de ses mœurs et de ses capacités.
Nous invitons les braves confrères qui professent le dit art de lui prêter aide et secours où le besoin l’exigera.
Délivré en notre Salle de Brest le 17 Xbre 1825. »
Suivent les signatures de : Mellon, Maître ; Bonnefous, Mtre ; Guiroux, Mtre ; Fournier, maître ; Valabrant, maître ; Bernard Tauzin, maître ; (Masgaut : orth. incertaine), mtre ; Jean Gaubert, maître ; Jean Pierre Cordier, maître ; Giro Casimière, maitre ; Filliot, maître ; Le Biem, maître. »
Article rédigé par Laurent Bastard, merci
Magnifique brevet en effet, que certains chanceux ont en leur possession ! FM
[...] Indeed, even if the weapons described previously are really what most would associate with fencing, others were also practiced, especially, it seems, in the Imperial Navy. The sailor of the Imperial Guard Henri Ducor tells us how fencing was then part of the entertainment on board a Spanish prison ship on which he was imprisoned from 1808 to 1811, and in the prison camps of Russia from 1812 to 1814. At the end of the war, Ducor tells us that several soldiers opened “fencing salles, where all types of fencing were demonstrated, pointe, contre-pointe, espadon, baton, la canne, and flail. It was especially in these last three kinds of exercises that the sailors stood out [27] “. This master diploma, awarded in 1825 in Brest, seems to have been awarded to a sailor, as evidenced by the abundance of naval symbols. Some members of the Royal Navy seem to be present, but also quite a few civilians. What is most striking is the statue of Napoleon enthroned very triumphantly in the center, a very bold choice for the time but shows the nostalgia of the Empire among the Navy. Credit Laurent Bastard. [...]