Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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UNE RIXE ENTRE COMPAGNONS

Alors même que les rixes entre compagnons ont été innombrables aux XVIIIe et XIXe siècles (jusque vers 1850), les images en sont peu fréquentes, surtout contemporaines de ces épisodes qui ont alimenté la rubrique des faits divers et donné lieu aux interventions de la police et de la Justice.

L’image que nous présentons aujourd’hui nous a été communiquée par notre ami Laurent Bourcier et nous le remercions de cette trouvaille.

Elle illustre un protège-cahier de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, l’un d’une série intitulée « L’artisan à travers les âges », et elle signée E. PRIEUR.
L’encadrement est formé de deux colonnes dont le chapiteau, inspiré des emblèmes compagnonniques, nous montre un niveau à plomb entrecroisé avec un compas pointes en haut. Leur piédestal est orné de deux maillets passés en sautoir.
Sur les colonnes quatre métiers sont mentionnés, avec leurs armoiries corporatives : serrurier (deux clefs en sautoir), maréchal-ferrant (trois fers et un boutoir), armurier (deux épées en sautoir), couvreur (une échelle et deux truelles).

Au centre se déroule, selon la légende de l’image : « Une rixe entre deux compagnons de sociétés rivales ». Deux compagnons s’affrontent, vêtus à la mode de la Restauration ou de Louis-Philippe (vers 1820-1840). Ils portent leurs « couleurs » (rubans) à la boutonnière et se servent de leur longue canne enrubannée pour se porter des coups. La scène se déroule sur un chemin, aux abords d’un village.

Cette image est intéressante à plus d’un titre. Elle atteste d’abord que les articles scolaires poursuivaient sous la IIIe République un but pédagogique par l’image et son commentaire au verso, y compris en évoquant des épisodes de la vie ouvrière qui pouvaient passer pour anecdotiques (nous connaissons un autre protège-cahier de la même série montrant une scène de grève au XVIIIe siècle, traitée avec une certaine violence).

Par ailleurs, si le fait évoqué est réel, son traitement par l’image est imaginaire, car les compagnons ne s’affrontaient pas avec leurs couleurs au côté (gênantes) ni avec des cannes enrubannées. Celles-ci étaient l’apanage des « rouleurs », les compagnons qui dirigeaient une cérémonie ; une fois les rites accomplis, une fois les convocations aux fêtes terminées, ces cannes d’apparat étaient remisées au siège de la société, chez la Mère, ou débarrassées des couleurs soigneusement croisées sur leur fût de haut en bas.

Article rédigé par Laurent Bastard et un grand merci également à Laurent Bourcier :)

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