L’une des différences originelles entre la canne et le bâton est que la première est creuse tandis que le second est plein. La matière première de la canne est le roseau, le jonc exotique, le rotin, végétaux creux naturellement ou une fois leur moelle ôtée.
Cette propriété permet d’y introduire toutes sortes de petits objets, comme une lame (dans le cas des cannes-épées ou à dard), des pièces d’or (voir l’article Sancho Panza et la canne aux pièces d’or), des documents (voir les articles Le peintre Girodet triche avec sa canne (1789), Le bâton porte-documents, par G. Aimard (1865) ou encore Le budstick ou bâton de messager norvégien). Les « cannes à systèmes » découlent de cette propriété.
Voici une nouvelle occurrence sur la canne creuse et sa capacité à enfermer des lettres, à en faire l’instrument de correspondances secrètes. Elle figure dans le Décameron de Boccace.
Le grand écrivain florentin (1313-1375) publia ses cent contes en 1348. L’extrait qui suit est issu de l’édition de 1910, chez Garnier frères, publiée sous le titre « Contes de Boccace, traduits par A. Sabatier de Castres », p. 196. Il figure dans le conte « Le père cruel ».
Sigismonde, la fille de Tancrède, prince de Salerne, est une jeune veuve vivant chez son père. Ce dernier, âgé, veut égoïstement la garder près de lui. Mais Sigismonde s’éprend d’un jeune homme nommé Guichard. La suite, la voici :
« Pendant qu’ils brûlaient ainsi l’un pour l’autre, sans avoir pu se le dire, autrement que par leurs regards, la princesse, qui ne voulait mettre personne dans la confidence, mais qui désirait d’avoir un tête-à-tête avec l’objet de son amour, eut recours à un stratagème pour lui en indiquer les moyens.
Elle lui écrivit une lettre, où elle lui marquait tout ce qu’il avait à faire pour qu’ils se trouvassent ensemble ; et mit cette lettre dans le tuyau d’une canne, qu’elle donna à Guichard, en lui disant : Voilà pour votre servante, elle pourra en faire un soufflet pour allumer votre feu. Il la prit, pensant bien qu’elle ne la lui avait pas donnée sans quelque intention cachée. De retour chez lui, il n’eut rien de plus pressé que de l’examiner. Il s’aperçoit qu’elle est fendue, l’ouvre avec empressement, y trouve une lettre qu’il lit et relit ; le cœur plein de joie, et s’étant bien pénétré de ce qu’elle contenait, il se dispose à mettre en pratique les moyens que la dame lui indiquait pour la voir en secret. »
Article rédigé par Laurent Bastard, merci