Il y a de vieilles coutumes qui ont peu à peu disparu, telle celle qui consistait, pour les jeunes gens et les enfants, la veille du jour de l’an, à demander des étrennes aux habitants, de porte en porte. Cette coutume, qui paraît s’être perpétuée jusqu’au début du XXe siècle dans certaines régions de France (soit bien plus tard que les observateurs du XIXe le croyaient), était appelée la « quête de l’Eguinané » en Bretagne, le « Guiliangnaud » en Dordogne, l’ « Agui-l’an-neuf » ailleurs, etc., tous mots déformés de ceux-là : « Au gui l’an neuf ».
Elle a été observée surtout en Bretagne, Maine, Anjou, Normandie, Picardie, Bourgogne, mais aussi en Dordogne, Beauce, etc. Elle est à mettre en relation avec la verdeur du gui, qui ne perd pas ses feuilles alors que son arbre-support les voit disparaître à l’automne. Le gui symbolise donc l’éternité, l’immortalité et les jeunes gens des villages ont du s’en parer lorsqu’ils déambulaient dans les rues en quêtant auprès des habitants. C’était une coutume de passage d’une année à une autre, qu’il fallait célébrer joyeusement. La vieille année était morte, vive la nouvelle ! en quelque sorte.
Dans quelques régions, il est question de baguettes particulières auxquelles les habitants doivent rendre hommage et voici ce qui est rapporté à ce sujet dans le « Dictionnaire pittoresque d’histoire naturelle et des phénomènes de la nature », tome III (1835), à l’entrée GUI.
« A Château-Landon et les villages environnants, département de Seine-et-Marne, les enfants cueillent une baguette de coudrier ou de saule ; ils en détachent l’écorce à moitié, et la recoquillent légèrement de manière à simuler un feuillage ; ils vont ensuite de porte en porte faire hommage de cette baguette qu’ils nomment « Guilanée », en chantant en choeur une vieille chanson portant aussi le même nom, et en échange des souhaits qu’ils débitent, on leur donne des présents.
En d’autres cantons, à Angers plus particulièrement, la Gui-l’an-neuf était une quête que les jeunes gens de l’un et l’autre sexe firent, jusqu’en 1595, dans les églises au milieu des extravagances les plus bouffonnes et les plus ridicules ; puis, jusqu’en 1668, hors des églises. Elle fut supprimée au dix-huitième siècle, étant devenue la cause de honteux désordres. Aux environs de Chartres, département d’eure-et-Loir, l’ancienne métropole des Gruides, on nomme encore Aiguilabs les présents que les parents et les amis se font au jour de l’an. Dans le département de Loir-et-Cher, les enfants, les ouvriers et les domestiques disent à la même époque à leurs parents, à leurs maîtres, aux personnes qu’ils servent : « Salut à l’an neuf, donnez-moi ma gui l’an neuf ».
L’illustration de cet article est un détail d’une gravure dont nous n’avons pu retrouver l’origine, mais qui a été publiée vers 1850 dans un magazine. Elle est légendée « La quête de l’Eguinané, en basse Bretagne ». On y voit bien les enfants munis de leurs boîtes à quêter et le plus grand d’entre eux, couvert d’un chapeau enrubanné, brandissant un bâton décoré également de rubans à son extrémité. Peut-être s’agit-il du même type de baguette à écorce frisée que celle décrite plus haut et observée en Seine-et-Marne. Cet attribut constituait une sortre de sceptre et peut être classé dans la catégorie des bâtons symbolisant l’autorité de celui qui le porte.
Sur les bâtons enrubannés, festifs et en général associés aux jeunes gens, voir aussi les articles : La scie et les bâtons « friseux » d’Arfleur ; La canne enrubannée de l’abbé des Hautes-Alpes ; Cannes de conscrits et cannes de compagnons.
Article rédigé par Laurent Bastard, merci