Il se trouve parmi le merveilleux et truculent ouvrage anonyme du XVe siècle, intitulé « Les Cent nouvelles nouvelles », l’une d’elles qui met en scène un ermite hypocrite. Sous les apparences de la plus grande piété, l’ermite n’en avait pas rompu avec les désirs de la chair. Convoitant la fille d’une veuve, aussi dévotes et naïves l’une que l’autre, il imagina un stratagème pour assouvir sa tentation. Il parvint à ses fins en convaincant la mère que sa fille devait être engrossée de ses oeuvres, car elle donnerait naissance à un futur pape !
Voici comment il s’y prit…à l’aide d’un bâton. (Pour la bonne compréhension de ce texte vieux de plus de cinq cents ans, nous avons rectifié l’orthographe et modernisé quelques tournures).
« Un soir, aux environs de minuit, alors qu’il faisait un fort et rude temps, il descendit de sa montagne et vint au village, et tant passa de voies et de sentiers, qu’il se trouva enfin près de la mère et de la fille. La maison n’était pas grande, de sorte qu’il devina bientôt où se trouvaient ses habitants. Il fait alors un trou dans une paroi peu épaisse, derrière laquelle était le lit de cette simple femme veuve et prend un long bâton percé et creux, dont il s’était muni, et, sans éveiller la veuve, il le met auprès de son oreille. Il dit alors à voix basse, par trois fois : « Ecoute-moi, femme de Dieu, je suis un ange du Créateur, qui vers toi m’envoie t’annoncer et te commander qu’il te veut du bien. Il veut, par un héritier de ta chair, à savoir ta fille, réunir et réformer son épouse l’Eglise. Et voici comment : tu t’en iras en la montagne vers le saint ermite, et tu lui mèneras ta fille et tu lui offriras ce que Dieu, par mon intermédiaire, te demande. Il connaîtra ta fille et d’eux viendra un fils élu de Dieu et destiné au saint Siège de Rome. »
A son réveil, la veuve se rend chez l’ermite et lui raconte tout. Celui-ci feint le doute et invite la mère à attendre confirmation de cette voix nocturne. « Notre ermite, à l’heure accoutumée, muni du bâton creux au lieu de béquille, revint à l’oreille de la simple femme, disant les mêmes mots que la nuit précédente. » Et il recommence même une troisième fois pour lever les hésitations de la veuve. Elle et sa fille se rendent alors à l’évidence, se rendent dans la montagne, l’ermite lubrique parvient à ses fins mais, surprise ! lorsque l’enfant naît… c’est une fille ! L’imposteur prend alors la poudre d’escampette et « la pauvre fille en fut déshonorée, dont ce fut grand dommage, car elle était belle, bonne et gentille. »
Ne vous fiez pas, Mesdames, au bâton creux qui transmet les « voix » du Seigneur…
L’illustration est un détail d’un tableau du peintre flamand Quentin Metsys (vers 1466-1530), représentant saint Antoine, un ermite qui, lui, sut résister à la tentation !
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci