En même temps que se répandaient les salles et les manuels de gymanstique, au début du XIXe siècle, le jeu de la canne et du bâton connaissait un essor dont l’apogée se situera sous le second Empire.
Les professeurs de gymnastique associent tout naturellement un bâton aux exercices destinés à développer le corps et l’adresse des membres, et certains intégrèrent même les principes martiaux de cette discipline dans leurs cours. On voit ainsi que les règles du maniement du bâton sont à cheval sur plusieurs secteurs d’activité : la gymnastique (pour fortifier le corps), l’armée (comme art martial), les jeux et les sports de compétition, et que leur pratique s’étend à toutes les classes de la société (militaires, marins, compagnons, bourgeois).
Il en fut ainsi de Peter Heinrich CLIAS, un Suisse alémanique que nous avons déjà rencontré (voir l’article Callisthénie ou somascétique naturelle, du 10-06-2010). En 1819, paraît en France la traduction de son livre : « Gymnastique élémentaire, ou cours analytique et gradué d’exercices propres à développer et à fortifier l’organisation humaine ». Clias est qualifié de « Professeur gymnasiarque de l’Académie de Berne ».
Voici un extrait du livre (p. 114-116) dont on peut consulter l’intégralité via Google.livres.
« JEU DE BATON.
En parlant de cet exercice, je ne prétends pas entrer dans tous les détails de la « bâtonnerie » ; je n’indique que ce que j’enseigne à mes élèves ; et les exercices dont il est question peuvent plutôt être considérés comme préparatoires pour les jeunes gens, qui se proposent d’apprendre à faire des armes des deux mains, que comme une science à part. Tous les hommes sans distinction devraient, selon moi, apprendre à manier le bâton, soit pour l’attaque ou la défense contre leurs semblables, soit contre les animaux.
La pesanteur du bâton dont on se sert pour cet exercice, doit être proportionnée aux forces de l’élèves ; sa longueur ordinaire est depuis l’aiselle de l’élève jusqu’à l’extrémité de son index. Sa forme est ronde, sa surface bien unie. Pour les commençants, sa grosseur est d’un pouce de diamètre.
MOUVEMENTS PREPARATOIRES.
1er exercice. La poignée.
Afin de donner beaucoup de force et de liant au poignet et aux doigts, ce qui est indispensable pour le jeu du bâton, je me sers d’un morceau de bois tourné en poignée de tire-bottes. L’exercice consiste à tenir avec force cette poignée dans une seule main, tandis qu’une autre personne cherche à nous l’arracher, en se servant de ses deux mains. Pour bien résister, il faut, sans y mettre trop de force, suivre avec beaucoup de liant tous les mouvements de l’agresseur, et n’employer la force, pour se débarrasser, que dans les moyens décisifs.
(ici l’auteur renvoie au dessin de son instrument, tableau I, figure 6, malheureusement non reproduit dans la version numérisée du livre).
IIe exercice. Mouvement en fronde, en position.
L’élève, placé bien d’aplomb sur les hanches, doit avoir la tête haute, les épaules effacées, le pied droit un peu en avant, le bras gauche un peu allongé sur les reins, le poing fermé, les ongles en dessus. Dans cette position, il prend de la main droite le bâton par le bout, les ongles en dessus, et il essaie de communiquer à son bâton un mouvement en fronde à l’aide du poignet seulement ; toutes les autres parties du corps doivent être immobiles.
IIIe exercice. Moulinet simple.
L’élève, dans la position que j’ai indiquée plus haut, prend le bâton par le bout, les ongles en dessous, le porte avec rapidité le long du corps sur le côté gauche, la main à hauteur de l’oreille, et en le faisant passer le long de la tête, il jette le bout opposé à celui qu’il tient, droit devant lui, les ongles en dessus ; ensuite, profitant du mouvement communiqué au bâton par le premier jet en avant, il le fait passer le long du corps à droite, le fait repasser à gauche comme la première fois, le jette en avant, le fait encore passer à droite, et ainsi de suite.
IVe exercice. Moulinet double.
Toujours dans la même position, on prend le bâton par le milieu, les ongles en dessus, et on fait à gauche, à droite et devant soi, avec les deux bouts du bâton, les mêmes mouvements que l’on a faits au moulinet simple.
Ces trois exercices doivent s’exécuter alternativement des deux mains, en place et doucement, jusqu’à ce que l’on ait acquis assez de force et d’adresse pour augmenter la rapidité des mouvements du bâton.
Ensuite, augmentant toujours la vitesse, on essaiera, en exécutant les mêmes mouvements, d’aller en avant, en arrière et de côté. Il est prudent de garder son chapeau jusqu’à ce que l’on soit bien habitué à manier le bâton des deux mains.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci
[...] autant que de développement des possibilités physiques. On relira l’article « Tous les hommes devraient apprendre à manier le bâton (1819) » et « La canne et le bâton vus par « La Vie [...]
[...] Pierre de COUBERTIN (1863-1937), fut non seulement le restaurateur des Jeux Olympiques, mais un pédagogue sportif. Parmi ses oeuvres figure le livre « Pédagogie sportive », publié chez Vrin en 1922, qui comprend un intéressant passage sur l’escrime, dont celle de la canne. On y appréciera notamment la phrase : « La canne, quand on sait en jouer, est une arme redoutable et tous devraient apprendre à la manier. » Elle fait écho à celle du gymnaste suisse Peter CLIAS qui, dès 1819, dans sa « Callisthénie », écrivait : « Tous les hommes sans distinction devraient, selon moi, apprendre à manier le bâton, soit pour l’attaque ou la défense contre leurs semblables, soit contre les animaux. » (voir l’article :Tous les hommes devraient apprendre à manier le bâton » (1819). [...]