Dans l’article Le bâton blanc des agents de la paix, nous avons évoqué l’instrument dont se sont servi les agents de police pour régler la circulation, entre 1896, année de sa création par le préfet Lépine, et 1966, année de sa disparition.
Nous avons cité la chanson »La Gavotte des bâtons blancs », de Jean Guigo, interprétée en 1948 par les Frères Jacques.
En voici une autre, intitulée « Drapeau vert et bâton blanc », créée par PAULUS à l’Eldorado et par MAUREL à la Scala, sur des paroles de F. Mortreuil et une musique de H. Christiné.
Paulus (1845-1908), de son vrai nom Jean-Paul HABANS, fut une grande vedette de café-concert à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La chanson qui suit, dont la partition que nous avons découverte n’est pas datée, a dû être écrite peu après la mise en service du nouvel accessoire des agents de police, entre 1896 et 1908, année du décès de Paulus. Le bâton blanc, comme on le verra, passait alors pour une invention un peu ridicule, sans véritable utilité pour le maintien de l’ordre. C’était un bâton blanc, pas une matraque… Vieux reproche toujours d’actualité, qui fait dire que la police est toujours au bord des routes au lieu d’arrêter les voleurs.
Cette partition est illustrée du portrait du chanteur mais sur le site www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net on peut en voir une autre illustrée d’un agent réglant le trafic avec son bâton et son drapeau.
Une remarque sur le sens du mot « sapin », qui revient dans le refrain, quand l’agent dit qu’il a un bâton dans une main pour arrêter les sapins : il s’agit du terme familier pour désigner un fiacre, une voiture de louage, construite en bois. On appréciera enfin la chute de la chanson, bien dans l’esprit grivois de l’époque : le pauvre agent, à force de tenir un bâton blanc, n’a plus l’usage du sien…
DRAPEAU VERT ET BATON BLANC
Depuis qu’les automobiles
Vont plus vit’ que les chemins d’ fer
On peut voir nos sergents d’ville
Munis d’un petit drapeau vert.
Ca leur en fait voir de dures
Car ils ont aussi un bâton
Pour arrêter les voitures
Qui veul’nt écraser l’piéton
Et les agents gais boute en train
Soir et matin chantent en refrain
Nous avons un bâton d’un’ main
Pour arrêter les sapins
Dans l’autre un petit drapeau
Pour arrêter les auto
Mobil’ s
Qui s’en vont en ville
Mais nous n’avons rien du tout
Pour arrêter les voyous
Rien du tout.
En complet état d’ivresse
Sur le bitume du boul’ vard
Un pochard plein d’allégresse
En titubant fait du chambard
C’est dimanche il s’émancipe
Et dit à l’agent qui s’ trouv’ là
J’ai envie d’ fumer un’ pipe
Passez-moi donc du tabac.
L’agent lui dit – Vieux sac à vin
Vois mon copain qu’est à l’autr’ coin.
Moi je tiens un bâton d’un’ main
Pour arrêter les sapins
Dans l’autre un petit drapeau
Pour arrêter les auto
Mobiles
Qui s’en vont en ville
Mais il m’ reste rien du tout
Pour arrêter les homm’ s saoûls
Rien du tout.
Dans le quartier d’ la Sorbonne
Y avait un’ manifestation
Les étudiants en colonne
Conspuaient et s’ flanquaient des marrons
Un passant très magnanime
Près d’un’ station dit à l’agent
Y a déjà plus d’ trent’ victimes
Séparez les combattants.
L’agent répond ils peuv’nt crever
Pour l’instant j’ai les pieds palmés.
Car je tiens un bâton d’un’ main
Pour arrêter les sapins
Dans l’autre un petit drapeau
Pour arrêter les auto
Mobiles
Qui s’en vont en ville
Mais il m’ reste rien du tout
Pour pouvoir marquer les coups
Rien du tout.
Rentrant chez moi l’autr’ semaine
Mon concierge me dit aussitôt
Ne montez pas m’sieu Eugène
Des voleurs sont dans votr’ garni
Au coin de la ru’ Laffitte
J’ vais voir l’ gardien qu’était d’ planton
J’ lui dis – J’vous en pri, v’ nez vite
On cambriol’ ma maison.
Il me répond – J’ connais mon d’ voir
Dit’ s leur qu’ils attendent jusqu’à c’ soir.
Car je tiens un bâton d’un’ main
Pour arrêter les sapins
Dans l’autre un petit drapeau
Pour arrêter les auto
Mobiles
Qui s’en vont en ville
Mais il m’ reste rien du tout
Pour arrêter les filous
Rien du tout.
Le planton d’ la ru’ d’ l’Arcade
Cett’ semain’ n’est pas sur le v’ lours
Il remplace un camarade
Et n’ couch’ pas chez lui d’ puis huit jours
Hier, sa femm’ lui dit – Totole
Il faut rentrer mon gros bichon
Sans ton amour je m’étiole
Viens m’ distraire à la maison.
L’agent répond – Y a pas moyen
Il faut patienter jusqu’à d’ main.
Car je tiens un bâton d’un’ main
Pour arrêter les sapins
Dans l’autre un petit drapeau
Pour arrêter les auto
Mobiles
Qui fil’ ent par la ville
Mais ce soir j’ai rien du tout
Bonne nuit mon gros toutou
Rien du tout.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci