Victor-Joseph ETIENNE, dit ETIENNE de JOUY (1764-1846), dramaturge, auteur d’opéras, chansonnier, académicien, est aussi l’auteur des cinq volumes de « L’Hermite de la Chaussée-d’Antin, ou observations sur les moeurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle » (1814).
Dans le volume IV, p. 181-182, il rapporte l’amusante anecdote de l’abbé Vincent, un mordu de la chasse…
« Quelques-uns de mes lecteurs se souviennent peut-être encore de l’abbé Vincent, chez qui le goût de la chasse avait pris le caractère d’une véritable manie. Après avoir cherché, pendant longtemps, le moyen d’allier le decorum de son état avec sa passion dominante, il l’avait trouvé, avec le secours d’un habile armurier de la rue de la Harpe : celui-ci avait inventé, tout exprès pour l’abbé Vincent, un fusil dont la culasse se démontait et pouvait être mise en poche ; au moyen d’une pomme d’ivoire, qui s’adaptait à l’ouverture du canon, et d’un bout de cuivre qui se plaçait à l’autre extrémité, le fusil, recouvert d’un beau vernis du Japon, se trouvait transformé en canne.
L’abbé, sa canne à la main, son bréviaire sous le bras, en perruque ronde et en habit violet, sortait de Paris, chaque matin, dans la saison des chasses, bien sûr que, dans ce costume, on le prendrait pour quelque curé de la banlieue, qui retournait pédestrement au presbytère.
Dès qu’il approchait d’une fourrée, d’une bruyère ou de tout autre endroit giboyeux, il remontait son fusil, et sortait de sa poche un très petit chien d’arrêt, d’une excellente espèce, qui se mettait au même instant en quête. Brusquet, le nez en terre et la queue frétillante, indiquait le gibier à son maître ; la pièce partait ; un coup de fusil la couchait par terre ; le chien, qui la rapportait, était aussitôt remis en poche avec elle, et les gardes-chasse, accourus au bruit, ne trouvaient qu’un abbé, cheminant, la canne à la main et lisant son bréviaire.
Le braconnier ecclésiastique passait sur une autre terre, où il recommençait le même manège, jusqu’à ce qu’il eût rempli l’énorme poche qui lui servait de carnassière. »
Article proposé par Laurent Bastard. Merci
[...] On rapprochera ce qui suit du texte sur l’abbé Vincent qui, lui, avait trouvé le moyen de transformer son fusil en bâton de marche, pour braconner plus à son aise ! (voir l’article : Un fusil qui sert de canne à l’abbé chasseur). [...]