Lorsqu’Albert de Pouvourville raconte un épisode d’espionnage par un Allemand qui est muni d’une longue-vue dissimulée dans une canne (voir l’article Une canne d’espion allemand, par Albert de Pouvourville (1932), il ne fait pas preuve d’imagination. Ce genre de canne a réellement été fabriqué au XIXe siècle.
Voici ce que l’on peut lire dans les « Archives des découvertes et des inventions nouvelles (…) faites pendant l’année 1816″ :
« CANNE A LUNETTES exécutée par M. JECKER, opticien et mécanicien du roi, rue de Bondy, n° 32.
Cette canne a la forme d’un rotin. Le corps qui reçoit les verres est en cuivre vernis. L’objectif a 17 pouces et demi de foyer et un pouce d’ouverture ; l’oculaire a quatre lentilles de verres, dont le foyer est réglé selon les convenances de chaque ; elles donnent ensemble six lignes de foyer, qui, contenues 35 fois dans 17 pouces et demi, foyer de l’objectif, rendent la lunette susceptible de grossir 35 fois.
On peut placer un verre noir devant l’oculaire, quand on veut examiner le soleil.
Le mécanisme de la lunette est semblable à celui des lunettes ordinaires ; elle n’est qu’à un seul tirage.
La pomme de la canne se visse sur l’objectif, et lui sert de couvercle.
Il y a un trou à la hauteur convenable pour passer un cordon, qui tourne autour d’un diaphragme placé dans l’intérieur, et qui conserve ainsi le passage libre au rayon visuel.
Un troisième noeud est un pas de vis qui reçoit le bout inférieur de la canne, lequel est en bois.
Les verres peuvent facilement se démonter : on dévisse d’abord la pomme de la canne, et on retire l’objectif ; pour nettoyer les quatre autres verres de l’oculaire, on dévisse la canne au troisième noeud, puis le ressort dans lequel glisse le coulant et le chapeau ; ensuite on retire le porte-verre des deux premiers oculaires. On nettoie l’objectif avec un linge fin ou une peau de gant.
Ces lunettes sont principalement destinées à être employées à la campagne, soit pour fixer un point de vue quelconque, soit pour surveiller des ouvriers au travail, soit enfin sur les côtes, pour observer un vaisseau en mer, ou aux officiers chargés de faire des reconnaissances militaires.
La bonne qualité de ces cannes à lunettes, et le bas prix (45 fr.) auquel M. Jecker les livre au commerce, lui permettent de soutenir avec avantage la concurrence étrangère pour cet objet, comme il le fait pour ses autres articles d’optique. »
Elles étaient encore mentionnées dans les encyclopédies des années 1860. Quelqu’un sait-il si des exemplaires ont été conservés dans des musées ou chez des collectionneurs ?
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci