Sous le règne de Louis-Philippe, les émeutes républicaines et ouvrières furent très nombreuses, pour protester contre les dérives réactionnaires du régime. Les caricaturistes s’en donnèrent à coeur joie dans des publications provisoirement libérées de la censure.
Mais le gouvernement réagit de plus en plus sévèrement aux manifestations républicaines. Les deux lithographies reproduites ici illustrent les méthodes employées (ou supposées telles) pour disperser les émeutiers à coups de bâton, un instrument que nous avons déjà rencontré lors d’épisodes similaires (voir les articles : Quand les différends politiques se réglaient à coups de bâton et Gare à la canne plombée des anarchistes (en 1899) ).
Dans les deux cas, les dessinateurs suggèrent que le gouvernement emploie des hommes de main pour rosser les manifestants républicains.
La première image est due à Charles Joseph TRAVIES de VILLERS, dit Traviès (1804-1859). Elle a été publiée dans le magazine « La Caricature » du 20 juillet 1831. On y voit une bande de grands gaillards brutaux, armés de bâtons noueux, qui s’apprêtent à faire un mauvais sort à un jeune républicain, et qui arrachent une cocarde tricolore à un chapeau. Ce dessin fait probablement suite aux émeutes des 14-15 février, des 15-16 avril et surtout, vu sa date de parution, à celles des 14-16 juin 1831.
Le titre et la légende sont assez sybillins. « Les faux ouvriers. Assomeurs (sic) payés. 15 francs pour un loup, cinq francs pour un chien, trois francs pour un patriote. » Il s’agit d’hommes de main déguisés en ouvriers pour mieux se mêler aux manifestants. Payés par qui ? Le gouvernement ou bien le parti légitimiste, qui voulait le rétablissement d’un roi issu de la famille de Bourbon sur le trône ? Mais que signifient ces mots de « loup » et de « chien » ? Il s’agit probablement d’une allusion aux rixes des compagnons du tour de France, qui défrayèrent la chronique jusqu’au milieu du siècle. Or les querelles naissaient souvent entre « chiens » (compagnons du Devoir) et « loups » (compagnons tailleurs de pierre du Devoir Etranger). La légende suggère que les assommeurs sont payés plus chers pour un loup et un chien que pour un patriote républicain, qui ne vaut presque rien.
L’autre lihographie est due au crayon d’Honoré DAUMIER (1808-1879) et a été publiée dans Le Charivari du 4 avril 1834. C’est une charge contre le comte d’Argout (1782-1858), ministre de l’Intérieur. La légende lui fait dire à un groupe d’hommes à la mine patibulaire, armés de bâtons : « Je suis content de vous, mes braves ». . Il félicite des hommes de main qui viennent de disperser des manifestants républicains, parmi lesquelles des femmes et des enfants, durant les émeutes de Paris et Lyon en avril 1834.
Cette lithographie a été reproduite et commentée dans « Daumier et la caricature politique dans les collections du musée des Beaux-Arts d’Orléans », catalogue de l’exposition d’octobre 2008-janvier 2009, par Bénédicte de Donker, conservateur adjoint au musée des Beaux-Arts d’Orléans.
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci